L’intelligence artificielle ne nous remplacera pas mais nous améliorera

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Dans son livre de 1990 «The Age of Intelligent Machines», l’informaticien et futurologue américain Ray Kurzweil a fait une étonnante prédiction. Travaillant au Massachusetts Institute of Technology (MIT) tout au long des années 1970 et 1980 et ayant vu de ses propres yeux les avancées remarquables de l’intelligence artificielle inventées par Marvin Minsky et d’autres, il prévoyait qu’un ordinateur passerait le test de Turing (le test de la capacité d’une machine à correspondre ou être indissociable de l’intelligence humaine) entre 2020 et 2050.

Kurzweil, désormais responsable de l’intelligence artificielle chez Google, ou IA (acronyme connu de tous à présent), a par la suite affiné sa thèse. Il dit maintenant que cet événement arrivera d’ici 2029. De plus, en 2045, nous assisterons à ce qu’il appelle «la singularité»; le point auquel les intelligences humaines et artificielles fusionnent, conduisant à des avancées exponentielles dans la technologie et les capacités humaines.

Choses passionnantes n’est-ce pas? Alors que Kurzweil est célèbre pour son optimisme quant à l’effet que l’IA aura sur les vies humaines, d’autres n’en sont pas si sûrs. Une partie de cela provient de la peur, inculquée par un millier de films de science-fiction, que « les robots prendront le dessus »; soit rendre les humains fonctionnellement inutiles ou pire, devenir nos maîtres dans un renversement de rôle dystopique.

La vérité peut se situer quelque part entre les deux. Mais ce qui est de plus en plus clair, c’est que l’IA avance à un rythme rapide. Déjà, elle pose un questionnement profond sur l’avenir du travail, de la société et sur la nature même de ce que signifie être humain.

Nous pouvons avoir une idée de cela à partir des innovations actuelles. Qu’il s’agisse de véhicules autonomes, de dispositifs tels que l’Echo d’Amazon qui peut «comprendre» le langage humain ou de l’analyse intelligente de vastes ensembles de données médicales pour diagnostiquer plus précisément la maladie, nous nous dirigeons vers un avenir où toutes sortes de tâches sont automatisées et où l’erreur humaine (ou peut-être même le jugement humain) est évitée.

Selon un rapport récent de la société de conseil McKinsey, près de la moitié (49%) des activités rémunérées par les travailleurs dans l’économie mondiale pourraient être automatisées en adaptant les technologies actuelles.

Le comité de la Chambre des lords britanique étudie notamment la possibilité de recommander la nomination d’un nouveau ministre à l’IA, afin d’apporter une réponse coordonnée à ces sables mouvants dans différents ministères.

À cet égard, le Royaume-Uni jouerait un rôle de rattrapage vis-à-vis des émirats arabes unies, qui, dans une première mondiale, ont récemment nommé Omar bin Sultan Al Olama, 27 ans, à ce poste. S’adressant au National récemment, M. Al Olama a exposé sa vision positive et la pratique de l’IA, affirmant qu’elle pourrait offrir à l’humanité une « victoire rapide » en l’aidant à lutter contre le changement climatique et d’autres problèmes urgents.

Si les émirats arabes unis sont célèbres à l’étranger pour leurs villes étincelantes et futuristes de Dubaï et d’Abu Dhabi, ils sont également situés dans l’une des régions les plus écologiquement sensibles du monde et ont un besoin économique aigu de s’éloigner des combustibles fossiles comme source de richesse de sorte que le soutien apporté par le gouvernement au potentiel de l’IA à des fins durables a beaucoup de sens.

Les émirats ne sont pas les seuls à vouloir récolter les bénéfices économiques de l’IA. En effet, à travers le monde, il n’est pas exagéré de dire qu’une course aux armements de l’IA a commencée. La Chine a récemment annoncé son intention de dominer le secteur, créant une industrie de 150 milliards de dollars d’ici 2030, en concurrence directe avec les États-Unis. La production chinoise d’articles scientifiques sur l’intelligence artificielle a dépassé les 28 pays de l’UE réunis pour la première fois l’année dernière.

Nous espérons tous que les progrès technologiques continueront à faire profiter, dans l’ensemble, toute l’humanité. Mais il est probable qu’il y aura des conséquences imprévues, dont certaines se manifestent déjà. Une des choses les plus inquiétantes particulièrement, est l’impact sur la sécurité d’emploi. Olly Buston, le directeur du think-tank Future Advocacy, a récemment publié un rapport estimant entre 22 et 39% des emplois au Royaume-Uni, sont susceptibles d’être automatiser d’ici au début des années 2030. Avec une moyenne d’environ 30% à travers le pays, cela représente plus de 10 millions d’emplois à risque.

À Londres, il y a eu récemment des controverses sur la façon dont les nouvelles entreprises axées sur la technologie comme Uber, un service de taxi, et Deliveroo, une entreprise de livraison de plats à emporter traitent leurs travailleurs. Parce que leurs activités sont bâties autour de services basés sur des applications pour téléphones intelligents, ils ont accès à un grand nombre de clients potentiels et de recrues volontaires à la simple pression d’un bouton. Mais ils ont choisi, un peu cyniquement, de classer les personnes qui travaillent pour eux comme des travailleurs autonomes plutôt que comme des employés. Au Royaume-Uni, cela signifie qu’ils n’ont aucun droit aux indemnités de maladie, aux congés payés ou aux retraites et aucune possibilité de progression de carrière.

Répliquées à grande échelle à travers une économie, l’effet que cela pourrait avoir est énorme. Alors que de nombreux travailleurs verront leur sécurité d’emploi et leur sécurité sociale disparaître, ceux qui contrôlent la technologie en bénéficieront énormément. La question devient alors: comment pouvons-nous changer le contrat social pour que éviter les inégalités et la polarisation de la richesse? Comment pouvons-nous nous assurer que les augmentations de la productivité et les promesses de la génération de valeur avec l’IA profitent à toute la société, au lieu de pousser des millions dans la précarité, ce qui laisse peu de place à l’épanouissement personnel?

Récemment, l’Institute for Global Prosperity, a présenté une nouvelle proposition qui pourrait aider à aborder un aspect de ce défi. Connu sous le nom de services de base universels, cela permettrait de voir un grand nombre des éléments essentiels de la vie du 21ème siècle; y compris le logement, la nourriture, les transports et les technologies de l’information fournis gratuitement au besoin. C’est un concept familier au Royaume-Uni, où le service de santé fournit des soins de santé fondés sur les besoins pour tous depuis 70 ans. Une extension de la provision dans ces autres domaines pourrait être accordée à un coût équivalent à environ 2,3% du PIB du Royaume-Uni. L’effet pratique serait de réduire considérablement le coût de la vie de base pour la plupart des gens, en leur donnant une plus grande liberté sur leurs choix de travail et de loisirs.

Ce ne serait une panacée mais comparé à d’autres idées comme un revenu de base universel; un paiement forfaitaire à tous les citoyens, c’est beaucoup plus abordable et pourrait être une mesure qui aide à atténuer les pires effets de l’inégalité provoqués par un monde de plus en plus axé sur la technologie.

Cela doit aller de pair avec une analyse beaucoup plus détaillée de la façon dont nous pouvons améliorer nos populations par l’éducation pour tirer le meilleur parti du potentiel positif de l’IA. Kurzweil a déclaré récemment que l’IA ne nous  remplacera pas ma nous améliorera. Ses prédictions ont souvent été justes, mais cela ne signifie pas que nous ne devrions pas commencer à planifier maintenant pour ce futur radicalement changé par la technologie.

 

Tiré de l’article de la professeure Henrietta Moore, directrice de l’Institute for Global Prosperity de l’University College London, et responsable de la culture, de la philosophie et du design.

Source: https://www.thenational.ae/opinion/comment/artificial-intelligence-will-enhance-us-not-replace-us-1.678103

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